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"Liberté, égalité, fraternité" ou l'histoire du comte noir
A la veille de Noël, et précisément vers midi le 24 décembre,
nous sommes allés à Clamecy. Un ciel gris et pluvieux nous accompagnait. La neige était absente. Le marché couvert de Clamecy se tient au pied de l'église Saint-Martin. Quelques étals étaient
ouverts à des clients rares et pressés pour les achats de dernière minute. Nous avions commandé à un paysan deux poulets de ferme pour le repas (décalé) de Noël. Deux « beaux » poulets,
tout en cuisse, « comme on n'en voit plus » nous précise notre vendeur qui les surnomme, les poulets « bicyclette », car ils courent sans arrêt dans la cour de la ferme,
ce qui leur donne des cuisses de cycliste…
Passant devant la dynamique librairie de Clamecy, Le Millefeuille, nous n’avons pas pu résister d'y entrer. Parmi tous les livres proposés sur les présentoirs, un titre attira mon attention, écrit en gros caractères blancs sur fond rouge : Dumas. Nous étions en train de lire « Le collier de la reine », d’Alexandre Dumas, deuxième partie d’une grande fresque historique sur Joseph Balsamo, dit le comte de Cagliostro. En-dessous du titre, en plus petits caractères, le sous-titre : le comte noir.
Intrigué et intéressé, mais sans comprendre exactement si c’était un titre de cet auteur infatigable et prolifique, ou une biographie de l’écrivain et le livre étant ceint d’un bandeau « Prix Pulitzer 2013 », je n’ai pas hésité à le mettre dans notre panier à commissions.
Puis quelques jours après, ayant fini « Le collier de la Reine » (à lire ou à relire absolument), nous nous sommes immergés dans la France esclavagiste de la fin du XVIIIe siècle…, en découvrant la vie d’un héros français méconnu, oublié, délaissé, le général Thomas Alexandre Dumas, métis originaire de Saint Domingue (actuel Haïti) et père d’Alexandre Dumas (dit le père). Né en 1762 d’un père blanc, issu d’une noblesse ruinée, parti dans les colonies pour faire fortune, esclavagiste, et d’une esclave noire avec qui le père aura quatre enfants. Ce père « vendra » sa femme et trois de ses enfants et rentrera en France avec son fils, Thomas Alexandre dans des conditions typiquement romanesques et quelque peu dramatiques. Le jeune Thomas Alexandre a quatorze ans en débarquant sur la terre natale de ses « ancêtres », car son père est le comte Davy de la Pailleterie, mais qui a changé son nom lors de son séjour à Saint Domingue. Brillant et athlétique, le jeune garçon ne souffre pas de sa « négritude », bien au contraire, il est admiré, adulé même. Il embrasse la carrière militaire en changeant son nom. Il prendra celui de sa mère, Cénèse Dumas, qu’il ne reverra jamais, tout comme son île natale qu’il ne reverra non plus jamais.
Sa destinée le fera un des plus brillants généraux des « guerres révolutionnaires » à coté de Monsieur Bonaparte dont l’ascension politique vient de commencer. Il sera là lors de la première campagne d’Italie, essaiera de limiter cette guerre de pillage systématique du Général Bonaparte, car le Général DUMAS, du haut de son mètre quatre-vingt-dix est un soldat d’une grande bravoure, admiré par tous ses camarades, profondément républicain, respectant l’ennemi (autant que possible) et interdisant à ses soldats de piller, ce qui lui vaut des inimitiés. Monsieur Bonaparte en sera jaloux, lui le petit homme laid, ne supportera pas la franchise, voir l’impertinence de Dumas et finalement lors de son accession au pouvoir, Bonaparte le négligera et finalement l’abandonnera. C’est ce qui explique sans doute que ce personnage hors norme soit tombé dans l’oubli de la Grande Histoire telle qu’elle nous est parvenue (et réécrite) et racontée dans les livres sur Bonaparte (« cet imposteur » « cet usurpateur », comme il était dénommé en 1815 lors de la Restauration, lire ou relire le début du Comte de Monte Cristo, dont le personnage Edmond Dantès emprunte quelques traits au père de l’auteur).
Les lois raciales et esclavagistes du début de l’empire vont sceller le destin des noirs des colonies qui ne seront plus reconnus citoyens français et seront même dégradés en tant qu’officiers… "Liberté, égalité, fraternité"… On retrouve Monsieur Bonaparte, véritable verrue d’un des épisodes les plus noirs de l’Histoire de France, « la Révolution ». De l’espoir et de l’espérance de ce mouvement « humanitaire », et plutôt que de s’occuper d’une France appauvrie et affamée, les « révolutionnaires » n’auront de cesse de couper des têtes et de faire la guerre à l’Autriche et aux autres, permettant ainsi l’ascension d’un militaire le plus sanguinaire et le plus pilleur de tous, Napoleone Buonaparte.
Le général Dumas ainsi abandonné de tous mourra à quarante ans à Villers Cotteret devant son fils Alexandre qui a quatre ans, sa fille et sa femme, Marie Louise. Cette famille privée du père mènera une vie dans un grand dénuement matériel d’où émergera un des plus grands écrivains français, Alexandre Dumas, petit fils d’une esclave africaine…
Oublié de l’Histoire, renié par ses contemporains, après avoir été admiré, envié, jalousé, le Général Dumas reste le symbole, l’égérie de l’anti-esclavagisme et en même temps son martyre.
« Liberté, égalité, fraternité », il est plus facile de faire des formules lapidaires que de respecter des principes humains qui n’ont pas nécessité à être écrit si c’est pour ne pas les appliquer.
Dumas, le comte noir de Tom Reiss, Éditions Flammarion, 2013 ISBN 978-2-0812-9528-5
"Les fers brisés", seul monument actuel en mémoire du Général Dumas, Paris, XVIIème, place du Général Catroux. Oeuvre de Driss Sans-Arcidet, inaugurée le 4 avril 2009.
Une statue érigée en 1912 (voir en haut de l'article) a été fondue sous l'occupation en 1942.
Il n'existe pas à l'heure actuelle d'autre monument à la gloire de cet homme.
Ci-dessous, une caricature de Cham représentant Alexandre Dumas, l'écrivain, rappelant ses origines noires...
Stéphane Lallemand expose
Les photos de l'expo "déconseillée aux moins de 18 ans
Certains ont bravé l'interdiction !!
Et voici le mail que Stéphane joignait :
Je viens d'apprendre que l'expo de Privas serait interdite aux scolaires et assortie d'un avertissement "déconseillé aux
moins de 18 ans"...
J'ai cru rêver !
En retour, je lui ai envoyé un article concernant l'expo d'Orsay
Voici sa réponse... Effectivement, on croit rêver !
Philippe Massis expose
Philippe Massis peint debout, Philippe Massis peint partout, Philippe Massis peint de tout. Des culs beaucoup, des nus partout, et puis des visages miniatures, et des grandes fresques sur les
murs. Philippe Massis est in-quiet, il peint le mouvement, le désir et la jouissance, et il les plonge dans une eau trouble, sombre, encombrée de feuilles. Avec le remugle de la vase surgissent
des masques étranges, des fantômes humoristes, des chiens mélancoliques, des figures élastiques et grimaçantes. Aujourd'hui le rêve de Philippe Massis s'expose en noir et blanc et en très grande
largeur, sur une magnifique fresque éphémère, à découvrir au milieu des portraits officiels des Ministres de son Inconscient
Éric Garandeau
la galerie V.Contemporary Art, 48, rue du Roi de Sicile, Paris IV
Une vue de l'expo rue du Roi de Sicile - À ne pas manquer
Performance : voici la fresque peinte en live
Philippe Massis
48, rue du roi de Sicile
A partir de 15 heures
Jusqu'à 18h 30 je peindrai une œuvre en live ! Venez nombreux
Le Comte de Monte Cristo - Alexandre Dumas
Le Comte de Monte Cristo est un pur roman d'Alexandre Dumas, véritable fresque narrative de mille quatre cents pages (La Pléiade, Ed 1989 - ISBN 2-07-010979-8). Le commencer, c'est rentrer dans un monde que l'on ne peut lâcher sans aller d'épisodes en épisodes jusqu'à son dénouement, comme certaines séries TV ou d'autres grandes sagas cinématographiques. L'addiction vous guette, l'histoire ne vous lâche pas et vous non plus, vous ne pouvez lâcher prise. Et en plus, quel magnifique exemple de littérature française d'une grandeur sans égale !
Héros malgré lui, Edmond Dantès, vingt ans, marin confirmé et apprécié de tous, rentre à Marseille après un long voyage sur un bateau de commerce. Il doit se marier avec la belle catalane Mercèdes. Mais la jalousie de deux hommes, l'un, Fernand, amoureux de sa compatriote espagnole et l'autre, Danglars, jaloux et envieux de la future promotion de Dantès, sera la cause du drame. Le troisième larron, Caderousse, laisse faire par lâcheté le plan démoniaque des deux autres : une lettre de dénonciation anonyme.
Nous sommes en 1815, Louis XVIII est sur le trône, Monsieur Bonaparte est exilé sur l'île d'Elbe. L'époque est trouble, le retour de "l'usurpateur" est prévu, sinon prévisible (ce sera la période dite "des cents jours"). Les deux camps, royaliste, à cette période au pouvoir, et bonapartiste s'affrontent. La chasse aux Bonapartistes clandestins ou conspirateurs est ouverte.
La lettre de dénonciation arrive sur le bureau du substitut du procureur du Roi de Marseille, Villefort. Elle accuse Dantès d'être un agent bonapartiste ce qui équivaut à un crime de haute trahison. Au cours du seul interrogatoire et face à face entre Dantès et Villefort, le procureur, celui ci va rapidement saisir l'occasion d'utiliser cette affaire pour sa promotion personnelle. Naïf et honnête, Dantès avouera être porteur d'une lettre pour un certain Noirtier à Paris qu'il ne connaît pas, mais que Villefort connaît, lui, parfaitement. Ce Noirtier, considéré comme le chef clandestin des Bonapartistes, n'est autre que le père de Villefort... Le destin de Dantès est alors scellé dans l'esprit du procureur. Il doit disparaître au plus profond d'un cachot. Il sera immédiatement incarcéré, sans jugement, au château d'If, à quelques brasses de la Canebière. Il y restera dix sept ans...
Dans cette prison, il fera "la connaissance" de l'abbé Faria, son mentor, qui lui apprendra tout et le reste et qui, "grâce" à sa mort, permettra à Dantès de s'évader, se reconstruire et d'organiser pendant de nombreuses années le projet et le seul but de sa nouvelle vie : la Vengeance.
Voilà résumées les deux cents premières pages..., les douze cents dernières racontent l'épopée de ce héros né de l'injustice, de la cupidité et de la jalousie des hommes qu'il a croisés.
Si l'on aime tant les séries TV ou les grandes sagas cinématographiques, ce n'est pas par hasard, notre empathie naturelle s'exerce sur les héros dont nous suivons les évènements au cours de leur vie sur des années, voire des générations. Leur part d'ombre grandit et de héros du début, ils deviennent des hommes, simples mortels, confrontés à des conditions fictionnelles et romanesques. L'espace Temps est compressé, il n'est plus simplement linéaire. Ici sans donner dans le manichéisme initiatique du Bien et du Mal, (cf la grande saga de Star Wars), le héros Dantès, initialement banal, honnête et sans grande envergure, s'incarnera dans le rôle du bras armé et vengeur de la Providence, à l'instar de certains héros eastwoodiens : l'homme naturel ou libertarien*.
Ce roman fleuve, publié initialement sous forme de feuilleton (ancêtre des séries TV) dans les années 1850, tient en haleine ses lecteurs, non seulement par les intrigues très élaborées de cette vengeance impitoyable, mais aussi par un style d'écriture d'une rare perfection. On se délecte, on s'enthousiasme et quand on ferme le livre sur la dernière page lue, on est vidé, on se sent abandonné. Vite un autre livre, une autre histoire pour que la magie continue.
* Ne pas manquer d'écouter (podcast France Culture) les 4 émissions sur "Philosopher avec Clint Eastwood" dont :
http://www.franceculture.fr/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-philosopher-avec-clint-eastwood-44-eastwood-est-il-
Nous avons attaqué Les Buddenbrook de Thomas Mann, écrit à 25 ans !!, L'échange des princesses de Chantal Thomas et finissons le Voltaire de Raymond Trousson... qui feront l'objet d'autres articles.
Deux enfants...
Deux enfants dans la tourmente de l'Histoire seront arrachés de leur foyer et échangés pour satisfaire au sinistre calcul de la (géo)politique entre la France et l'Espagne du début du XVIIIe siècle. De cette anecdote sinistre, bien que non isolée à cette époque et dans ce milieu, l'auteur de ce "roman historique" nous fait suivre le déroulement chronologique des évènements de part et d'autre des Pyrénées.
De cette froide présentation d'un agenda quasi officiel du cours des épisodes et sous une plume acérée relatant par intermittence de façon drôlesque voir crue le comportement des deux enfants, cela fait passer l'amère constation du drame psycho affectif qui se joue. Cela montre aussi le peu de cas que les parents (Reine et Roi) accordent à leurs enfants (Princesses et Princes) s'en jouant comme de pièces sur le grand échiquier politique, quitte à les perdre...
Marie Anne Victoire et Louis XV par François de Troy
L'une a trois ans et l'autre, onze ans en 1721 !
Anna Maria Victoria mettra deux mois en plein hiver pour faire Madrid-Paris !
Louise Elisabeth croisera son "homologue" espagnole sur l'Île aux Faisans au milieu de la rivière frontière de la Bidassoa...
Louis XV a onze ans quand arrive Anna Maria Victoria, l'infante de trois ans, sa future "épouse"...
Le prince des Asturies, futur Louis Ier, a quatorze ans quand arrive Louise Elisabeth de Bourbon, fille du Régent Philippe d'Orléans et qui deviendra son épouse et Reine d'Espagne pendant quelques mois...
Louis 1er d'Espagne par Jean Ranc et Louise Élisabeth d'Orléans par Jean Ranc
Leur trisaïeul commun est Louis XIV...
Le reste est à découvrir dans ce livre conçu comme un sec rapport diplomatique mais habilement retranscrit avec une prose sobre et légère, triviale et paillarde par moments, permettant d'alléger la lourdeur douloureuse des événements et la noirceur des sentiments qu'ils inspirent.
Remercions Dieu et tous ses Saints que nos enfants ne soient pas Bourbons !
Les parents :
Philippe d'Orléans par Jean-Baptiste Santerre et Françoise Marie de Bourbon par Pierre Gobert, père et mère de Louise Élisabeth d'Orléans
Louis de France, duc de Bourgogne, surnommé le Petit Dauphin par Hyacinthe Rigaud et Marie-Adélaïde de Savoie par Jean-Baptiste Santerre, père et mère de Louis XV
Philippe V d'Espagne et Élisabeth Farnèse (la marâtre) par Louis-Michel Van Loo, père et belle-mère de Louis 1er et père et mère de Marie Anne Victoire
Madame de Ventadour, gouvernante de Louis XV et protectrice de Marie-Anne Victoire, par Pierre Mignard
Extrait, les premières lignes :
“Dans le bain du Régent
“La gueule de bois n’a jamais empêché les bonnes idées”, se dit Philippe d’Orléans en fermant les yeux dans les forts parfums de son bain. S’il les ouvrait, il aurait le regard bloqué sur ce gros corps ventru, blanchâtre, flottant dans l’eau chaude ; et cette bedaine de bête échouée, cette espèce de molle bonbonne gonflée par les nuits de débauche et de goinfrerie, sans lui gâcher complètement le plaisir de la bonne idée, l’affaiblirait”...
C’est un roman, mais une note de Chantal Thomas en fin de volume dit ceci :
“Tous les extraits de correspondance cités sont authentiques. Les lettres ou extraits de lettres d’Elisabeth Farnèse, Louis 1er, Louise Élisabeth d’Orléans, Marie Anne Victoire de Bourbon, Philippe V et Madame de Ventadour proviennent pour l’essentiel des Archives historiques de Madrid et sont, pour la plupart, inédits. Les extraits de presse sont tirés de la Gazette, laquelle s’appelle, à partir de 1762, la Gazette de France.”
L’échange des princesses - Chantal Thomas - Seuil - ISBN 978-2-02-111913-8
Zadig et Voltaire..., et si on parlait chiffons !
Dans nos boîtes aux lettres, tous les jours, beaucoup de publicités défilent devant nos yeux. Moi, c'est le matin que je les lis. Ce matin, c’était, entre autres la nouvelle collection de Zadig & Voltaire. Mais quelle idée a bien pu traverser la tête du promoteur de cette ligne de fringues pour intituler sa marque de cette manière ? Click. La page mail bascule sur le portail du site Z&V : pas d'information sur ce que je cherche, en revanche un foulard me tente pour la Saint Valentin, je regarde le prix... Ah oui d'accord ! Passons à autre chose. Je tape Z&V sur Google et sur la page Wikipédia je trouve l'explication : "Le nom de la marque est tiré du roman de Voltaire, Zadig ou la Destinée (1747) : le personnage principal, Zadig, a marqué l'esprit du créateur, par son charisme, sa modernité et son courage." J'apprends par ailleurs que le créateur n'est autre que le petit fils du cofondateur de la marque Lacoste!
Nous venons de finir une biographie de Voltaire, livre épais et dense que, cela est très rare chez nous, nous avons lu en deux temps. En effet, le livre nous est tombé des mains il y a quelques
mois car le personnage nous énervait : irascible, fat, pique-assiette, profiteur, imbu de sa personne, "lèche- majesté", hypochondriaque, bref nous l'avions laissé tomber. Il s'empilait avec les
autres sur les nombreux tas de livres que nous affectionnons tant !
La maison de Voltaire à Ferney
Et puis d'autres lectures sur des personnages du XVIIIe siècle nous ont conduits à le reprendre et là, nous avons découvert l'homme incontournable de son temps qui jusqu'à sa mort à 84 ans s'est battu contre l'injustice, l'intolérance, et surtout l'obscurantisme et le fanatisme religieux, prônant le déisme et refusant le matérialisme. Et c'est surtout à partir de sa soixantième année (preuve qu'aux âmes bien nées, la valeur peut attendre bon nombre d'années) qu'il est rentré dans notre cœur, au moment où il arrive à Ferney, près de Genève, et c'est de ces années-là surtout que lui viennent sa notoriété et la postérité. Cet anticlérical inconditionnel n'exclut pas l'existence de Dieu quand il dit, entre autres :
" L'univers m'embarrasse, et je ne puis songer
Que cette horloge existe, et n'ait point d'horloger".
Son déisme lui permet de tenir tête aux matérialistes qui commencent à se manifester. Sa lutte contre l'Église, quelle qu'elle soit, mais surtout celle de Rome est constante et acharnée à cette époque où l'inquisition (de l'Église et de l'État confondus) fait rage. De la plus célèbre des affaires judiciaires dont il s'est occupé, l'affaire Calas, il tirera un grand texte : "Le traité sur la tolérance" qui sera mis à l'index par l'Église, comme nombre de ses écrits ne rentrant pas dans le "canon" religieusement correct. D'un autre côté il combat l'athéisme, bien qu'il le considère quand même préférable au fanatisme (religieux). "Don Quichotte" infatigable de la justice et de l'équité, il n'en vient pas moins, malgré sa quête sur la tolérance, à être lui aussi intolérant, personne n'est parfait ! Certains de ses contemporains ont pu pâtir de ses perpétuelles querelles à leur encontre, pour certaines diffamatoires...
Madame Émilie du Châtelet par Maurice Quentin de la Tour
Comme tout “grand homme”, il aimait être adulé et admiré, en particulier des femmes... Et Voltaire n’échappe pas à la règle : deux femmes vont occuper une place importante dans sa vie : Mme Emilie du Châtelet avec qui il va partager la première moitié de sa vie en ménage à trois avec Monsieur et sous le toit de ce dernier à Cirey..., et sa nièce, Mme Marie-Louise Denis pour la deuxième partie, à Ferney. La première mourra quelques jours après son accouchement, d'une fièvre puerpérale, après une histoire de grossesse vaudevillesque... (l'enfant ne survivra pas), la seconde eut des rapports, épistolaires en particuliers, chauds-bouillants..., avec le “Chatelain de Ferney”, et sera son éxécuteur testamentaire. Il n’aura pas de descendance.
Voltaire et Madame Denis
Quelques extraits de lettres écrites à Mme Denis, en italien, la lingua dell'amore :
"La mia anima baccia la vostra, mio cazzo, mio cuore sono inamorati di voi. Baccio il vostro gentil culo e tutta la vostra vezzoza persona."
"Mio cuore e mio cazzo vi fanno i più teneri complimenti."
"In tanto io figo mille bacci alle tonde poppe, alle transportatrici natiche, a tutta la vostra persona che m'ha fatto tante volte rizzare e m'ha annegato in un fiume di delizie."
"Vi domando la licenza di portare il mio vizzo. Sarebbe meglio rizzare, ma che io rizzi o no, vi amero sempre, sarete la sola consolazione della mia vita."*** (quelques fautes d'orthographes dans son italien)
À l'époque où il écrit ces mots brûlants, Émilie du Châtelet est toujours avec lui.
L'acharnement sur certains de ses contemporains est incessant et lasse à force ses lecteurs, Rousseau par exemple, dont il écrit dans son oraison funèbre : "Jean-Jacques a très bien fait de mourir,..., il mourut comme un chien, c'est peu de chose qu'un philosophe". Cela agaçait tout le monde même ses amis ou ses protecteurs, comme Frédéric II, "Il y a quelque chose de si lâche à calomnier les morts, il y a tant d'indignité à noircir la mémoire des hommes de mérite, il y a quelque chose dans ce procédé qui dénote une vengeance si implacable, si atroce, que je me repens presque de la statue qu'on lui érige. Bon dieu ! Comment tant de génie se peut-il allier avec tant de perversité !... Des injures si souvent répétées dégoûtent le lecteur et démasquent trop le fond de l'âme de Voltaire." ; cela résume bien le personnage. Il est insupportable et sera persona non grata dans beaucoup de villes et de cours européennes, et naturellement à Versailles, bien que Marie-Antoinette le “soutienne”, mais de loin. Personne n’en veut, d’où son exil à la frontière entre la Suisse et la France. Et pourtant, ce travailleur inépuisable, qui se plaindra toute sa vie d'une santé fragile factice, finira en héros de son temps à Paris. Il entrera même au Panthéon 17 ans après sa mort.
Déniaiser les esprits, saper les superstitions, ruiner les légendes, s'en prendre au christianisme par le biais des religions comparées, tel est son combat perpétuel, quand il écrit par exemple : "Je ne vois pas que ce qui sort du derrière d'un homme qu'on respecte et qu'on aime, quand cela est bien sec, bien musqué et bien enchâssé dans l'or ou dans l'ivoire, soit plus dégoûtant que tel vieux haillon qui n'a jamais appartenu à un homme de mérite, ou tel vieux os pourri, ou tel nombril, ou tel prépuce, qu'on expose encore dans plus d'un de nos villages à l'adoration des bonnes femmes." Voilà pour les reliques!
À l'heure du bilan, il s'est fâché avec presque tout le monde et pourtant il est ovationné comme aucun de ses contemporains. Il incarne le courage, la justice et la Lumière. Ses défauts ne gâchent finalement pas ses qualités. L'homme est mort, il nous reste ses écrits et ils sont nombreux, seules ses pièces de théâtre sont tombées en désuétude.
*** Traduction :
"Mon âme baise la vôtre. Ma queue, mon coeur sont amoureux de vous. Je baise votre beau cul et toute votre bandante personne."
"Mon coeur et ma queue vous font les plus tendres compliments."
"En attendant, je mets mille baisers sur tes rondes mamelles, sur tes fesses renversantes, sur toute votre personne qui m'a fait tant de fois bander, et m'a noyé dans un fleuve de délices."
"Je vous demande la permission de vous apporter ma queue. Ce serait mieux de bander, mais que je bande ou non, je vous aimerai toujours, vous serez la seule consolation de ma vie."
Voltaire, Raymond Trousson - chez Tallandier, 2008 - ISBN 978-2-84734-412-7
Traité sur la Tolérance, Voltaire - Folio - ISBN 978-2-07-042871-7
Les rencontres musicales de Vézelay 2014 - Programme
En avant-première, voici le programme des Rencontres de cette année :
Jeudi 21 août
16 heures à l'église de Saint-Père
New York Polyphony
Au coeur de la Renaissance avec Byrd (1543-1623) et Tallis (1505-1585), compositeur officiel d'Henri VIII, d'Édouard VI, Marie Tudor et Élisabeth 1ère. Les deux hommes étaient des catholiques fervents.
18 heures place des Rencontres
Une voix, une contrebasse
21 heures, à la basilique de Vézelay
Monteverdi par Domenico Fetti
Chapelle Rhénane, direction Benoît Haller
Monteverdi - La Selve Morale e Spirituale
Pour les amoureux de Monteverdi, sachez qu'il est enterré dans l'extraordinaire église des Frari à Venise. Il y a presque toujours une fleur sur sa tombe (à l'extrême gauche du choeur où se trouve la grandiose Assomption du Titien)
Vendredi 22 août
16 heures à l'église d'Asquins
Scorpio Collectief -Johannette Zomer & Markus Flaig
Heinrich Schütz, Johann Hermann Schein, Samuel Scheidt
Schein par Thomas Hardy, Schütz par Rembrandt et Scheidt
18 heures, place des Rencontres
Las Chicas del Tango
21 heures à la basilique de Vézelay
BBC Singers - Paul Brough
Trois siècles de tradition chorale anglaise
Samedi 23 août
11 heures et minuit à la basilique de Vézelay
4Anima
Misto de musique du Moyen-Âge et d'aujourd'hui
Ensemble Correspondances - Direction Sébastien Dauce
Lien sur France Musique
Charpentier redécouvert après 350 ans
18 heures, place des Rencontres
Oskar et Viktor
"Accord'vocaléon"
21 heures, basilique de Vézelay
Arsys Bourgogne, ensemble La Fenice, direction Jean Tubery
Les Grands motets de Jean-Philippe Rameau
L'ensemble La Fenice sur YouTube
Dimanche 24 août
11 heures, basilique de Vézelay
Scorpio Collectief & Cappella Pratensis - Johannette Zomer & Markus Flaig
Participation musicale à l'office religieux
Billetterie :
Prévente des billets le 21 mai
Vente pour tous le 2 juin
24 heures Cronos ou le poème de l'Iliade
La riche cité légendaire
de Troie, sur les bords de la méditerranée (plus précisément sur la mer Egée, à l’entrée de l’Hellespont), appelée Ilion, d'où la dénomination d'Iliade, est gouvernée par le Roi Priam, père
d'Hector et de Paris (ou Alexandre). Ce dernier a enlevé la Belle Hélène au roi de Sparte en Grèce, Ménélas. C'est la cause de la guerre de Troie.
L'Iliade raconte un des épisodes de cette guerre en 24 chants. L'action de ce grand poème épique se déroule sur un seul lieu au pied des murs de Troie. Ce vaste champ de bataille voit combattre d'innombrables figurants dans d'incessants combats au corps à corps, souvent sanglants, pouvant faire pâlir de jalousie toutes les super productions hollywoodiennes.
Deux héros, cependant, se détachent très nettement :
pour les grecs (les Achéens), Achille, dit aux pieds légers, et pour les Troyens, l'Illustre Hector, frère de Pâris. Ce dernier, responsable de l'enlèvement d'Hélène, et le mari trompé, Ménélas, occupent des rôles secondaires.
En dehors de ces humains, ou mortels, qui se livrent des combats "homériques", il y a les immortels : les Dieux. Ils sont partout, ils savent tout ce qui se passe sur la terre, ils interviennent quand ça leur chante, ils partagent les mêmes qualités et les mêmes défauts que les mortels. Ils sont dominés par le Dieu des immortels et des mortels, "l'assembleur des nuages", Zeus, fils de Cronos. Les trois fils de Cronos se sont partagés l'univers, Zeus, le ciel, Poseidon, les océans, Hadès, les enfers.
Tous les participants de cette "épopée homérique" sont réunis, que la bataille commence ! Et là, il faut lire ce texte extraordinaire écrit il y a presque trente siècles !
Cette lecture gagne à l'être à haute voix, ce qui était son but à l'origine, puisqu'il s'agit de chants. La déclamation renforce son côté dramatique et grandiose.
Polydore, fils de Priam, tué par Achille "il croule, gémissant, sur les genoux"
Dans le texte, il y a quelque chose qui frappe immédiatement et dont la répétition atteste de son rôle essentiel : le thème des genoux ! Parmi les expressions, maintes fois répétées, on trouve : naturellement les genoux au sens propre, mais aussi les genoux, siège de la vitalité et de la force, ou bien, serrer les genoux de quelqu’un, en signe de supplication, ou bien dans le vers 338 du chant XXII, "J'en appelle à ton âme, à tes genoux, à tes parents.", supplique du troyen Hector au grec Achille.
Le genou chez Homère a valu de nombreux écrits. D'après le dictionnaire complet d'Homère et des homérides, on note les remarques suivantes : les anciens regardaient les genoux comme le siège principal de la force du corps ; les suppliants avaient coutume d'embrasser les genoux de celui qu'ils voulaient fléchir ou toucher ; l'idée de pouvoir, des dieux en particulier, étant exprimée par celle des genoux...
Dans l'inventaire du texte, on trouve 79 occurrences du mot genou dans l'Iliade et 55 dans l'Odyssée, soit 134 au total.
Si on se réfère à nos pratiques actuelles de l'utilisation du mot genou, on est surpris de son extraordinaire présence comme support de nos sentiments et de notre vitalité : être sur les genoux, être fatigué, avoir quelqu'un sur ses genoux, exprime l'amour, avoir les genoux qui tremblent, exprime la peur, mettre quelqu'un à genoux, exprime la victoire, les genoux en compote, exprime la faiblesse, avoir mal aux genoux, attention l'arthrose me guette et la vieillesse commence, etc... (si vous en trouvez d'autres, merci de nous les envoyer).
Pour Homère et dans la tradition de son époque, les genoux étaient le siège de la vitalité et de la force.
Alors asseyez-vous, mettez le livre sur vos genoux, et commencez à le lire à haute voix ! Vous plongerez dans l'univers de la mythologie grecque... Un régal.
Homère, L'Iliade, traduit du grec par Frédéric Mugler, 1995 - ISBN 978-2-7427-0580-1
Héra et Zeus
La poésie du texte doit beaucoup aux noms et aux qualificatifs récurrents qui leur sont attribués.
Les mots et les paroles sont toujours "ailés", Zeus, le cronide est "l'assembleur des nuages", "le grand tonneur", "le maître des nuées", Héra, soeur et épouse de Zeus (leurs rapports sont souvent explosifs) est Héra "la déesse aux bras blancs","aux grands yeux", Poséïdon "l'immortel aux crins d'azur" est "le grand ébranleur du sol", "l'ébranleur de la terre", Arès "l'ardent Arès", "le violent Arès", "le lutteur", "le pasteur des hommes", Athéna "aux yeux pers", "le divin Héraclès", "l'illustre Apollon", "Artémis aux flèches d'or"; pour les grecs, "Ménélas aux cris puissants", "le bouillant Achille, chef des Myrmidons", "Nestor, roi de Pylos, le vieux conducteur des Argiens, le grand dompteur de cavales"; pour les Troyens, "le divin Hector, casqué de bronze", "Énée aux pieds légers", Polydamas le preux, etc.
Tous les héros dits "mortels" ont une ascendance divine, ce qui, il faut bien le dire, contribue au bazar ambiant, chaque dieu intervenant pour son champion, d'un côté ou de l'autre. Ils changent même d'avis, ce qui n'arrange rien. Par exemple Thétis, la néréide aux pieds d'argent demande à Achille (son fils) de ne plus se mêler des histoires des grecs. Elle va voir Zeus pour qu'il donne la victoire aux Troyens. Zeus, pas d'accord ! Aphrodite prend le parti de Pâris alors qu'Héra et Athéna se rangent contre lui (à cause du jugement de Pâris ayant jugé Aphrodite la plus belle). Arès, le dieu de la guerre s'allie comme toujours à Aphrodite tandis que Poséïdon soutient les grecs, peuple marin et grand navigateur.
Apollon s'intéresse à Hector. Il aide donc les Troyens. Artémis, sa soeur jumelle, fait pareil.
Dans l'ensemble Zeus préfère les Troyens, mais reste neutre car sa femme Héra se montre très désagréable quand on s'oppose à elle ouvertement. Scène de ménage. Mais Thétis insiste. Et Zeus fléchit. Héra se fâche. Zeus menace de la battre si elle continue. Finalement elle se tait. Mais elle continue à oeuvrer dans l'ombre pour circonvenir Zeus. Bref, c'est la guerre dans l'Olympe.
Le rachat du corps d'Hector
Pour conclure, ce sont les femmes qui mettent la pagaille et engendrent la guerre, et les hommes sont contents de la faire !
Nous entamons l'Odyssée...
Nom de Zeus !
Zeus avait une femme légitime, sa soeur Héra. Héra n'était pas facile à vivre, mais il faut dire qu'elle avait des raisons d'être irascible : Zeus était volage. Il courait après tous les jupons qui passaient à sa portée. Il n'hésitait pas à user de ses dons de dieu pour arriver à ses fins. Sa conduite a cependant quelques excuses. Son grand-père, Ouranos s'était fait occire par son fils (qui lui a coupé les coucougnettes et le reste) pour prendre sa place. Son père, Cronos, qui craignait le même sort, avait la sale habitude de manger ses enfants. Zeus ne doit la vie qu'à une ruse de sa mère qui a remplacé le nouveau-né par une pierre emballée dans des couches-culotte. Et Cronos n'y a vu que du feu...
Goya, Saturne (Cronos) avalant un de ses enfants
Avant Héra, il avait épousé Métis, fille d'Océan et de Téthys. Grâce aux conseils avisés de Métis, il fait avaler un vomitif à son père afin qu'il régurgite tous les enfants qu'il avait avalés. C'est ainsi que Poséidon, Héra, Hadès, Déméter et les autres sont sauvés. Ils doivent donc leur existence à une vulgaire indigestion. On est peu de chose.
Entre temps, Zeus, qui s'est déjà lassé de Métis, l'avale. On lui avait dit qu'elle mettrait au monde un fils qui le détrônerait et ça ne le branchait pas vraiment. Il change donc Métis en mouche et l'avale. C'est plus expéditif qu'une instance en divorce. Mais Métis était enceinte. Donc, post mortem, elle accouche et le rejeton, Athéna, sort du crâne de son père, à défaut du ventre de sa mère, déjà toute armée et casquée.
Cratère en céramique à figures rouges, VIe siècle avant J.C
Vient ensuite Thémis, une Titanide. Elle lui donne des filles, les Heures, puis les Moires (divinités du destin)
Dionysos menant les Heures, Ier siècle, Louvre
Avec Dioné, une autre Titanide, il fait Aphrodite (mère d'Énée)
Naissance d'Aphrodite par Botticelli
Pourquoi le coquillage ? Souvenez-vous du début de cet article, Cronos avait tranché le sexe de son père Ouranos. Jeté dans la mer, le membre divin crache une "blanche écume" (hum !). De cette écume naît une fille, qui, poussée par les Vents, vogue jusqu'à Chypre, via Cythère. C'est une théorie un peu fumeuse soutenue par Hésiode dans sa Théogonie. On n'est pas obligé d'y croire.
Puis avec Eurynomé, fille d'Océan, donc sa belle-soeur. Naissent les Grâces,
Grabriele Dante Rossetti, Mnémosyne
Avec Mnémosyne (déesse de la mémoire) encore une Titanide, il fabrique les neuf Muses
Sarcophage des Muses, IIe siècle après J.C., Musée du Louvre
Avec Léto, toujours une Titanide, il a les jumeaux Apollon et Artémis
Léto, Artémis et Apollon, Met NYC
Puis c'est sa plus célèbre
légitime, Héra, qui est aussi sa soeur ; il engendre Hébé, Ilithye et Arès. On lui accorde aussi Héphaïstos, mais ce dernier aurait été conçu par Héra sans l'intervention du
mari (ça me rappelle quelque chose). Elle aurait voulu lui prouver qu'elle n'avait pas besoin de lui pour enfanter...
Avec Déméter, une autre de ses soeurs, il engendre Perséphone qui deviendra déesse des enfers. Hadès, le frangin de Déméter, à qui on avait accordé le royaume des morts, enlève Perséphone à sa mère. Celle-ci va tout faire pour la récupérer. Hadès ne veut rien savoir. Alors Déméter demande l'aide de Zeus. Mais ce dernier, ne voulant pas se mouiller décide d'un compromis. Perséphone passera six mois (automne et hiver) avec Hadès comme reine des Enfers et six mois pour avec sa mère dans l'Olympe et sur terre pour l'aider pendant le printemps et l'été.
Hadès, Déméter et Perséphone par Rubens
Les dieux ne sont pas vraiment sensibles à la consanguinité... Après ses soeurs, il n'hésite pas à séduire sa fille, Aphrodite. Elle enfante d'Éros. Il aurait pu avoir un pied-bot ou une bosse ou une autre infirmité et bien non. Éros est aussi beau et intelligent que ses demi-frères et demi-soeurs. Dieu, c'est pas mal tout de même comme métier.
Aphrodite et Éros, skyphos attique à figures rouges, Ve siècle avant J.C.
Avec Maïa, une Pléiade il fait Hermès, le messager des dieux et dieu des voleurs (parce qu'il a piqué à Apollon la moitié d'une hécatombe, soit 50 boeufs).
Hermès et Argus par Van Loo
Avec une autre Pléiade, Électre, à ne pas confondre avec notre Électre racinienne, il fabrique Dardanos (ancêtre des fondateurs de la ville de Troie) et Iasion.
D'Égine, une nymphe, il a les ancêtres d'Achille et d'Ajax.
Avec Plouto, il fait Tantale, vous savez, celui du supplice.
Le supplice de Tantale par Honoré Daumier
Toutes celles-là étaient déesses. Mais vu l'apétit de Zeus, il lui fallait aussi quelques mortelles (la liste n'est pas exhaustive).
Niobé, première mortelle à donner un enfant à Zeus, Argos. J'ai du mal à trouver confirmation de cette info, mais comme pour les nombreuses histoires racontées ici, il y a de multiples versions. Il faut dire que ça s'est passé il y a très très longtemps...
Io,la copine des cruciverbistes. Elle conçoit Épaphos. Pour échapper à la surveillance d'Héra, jalouse une fois de plus, il transforme Io en vache. Mais la vengeance d'Héra sera dure : elle lui envoie des taons pour la harceler et la fait garder par Argos aux cent yeux. Zeus, qui a plus d'un tour dans son sac, demande à Hermès de la débarrasser de ce fléau. Hermès tue Argos. Héra, pour se consoler de la perte d'Argos, parsème ses yeux sur les plumes de ses paons (voir la représentation de Van Loo ci-dessus). Io retrouve sa forme humaine en Égypte. Elle serait l'ancêtre des pharaons.
Io, Zeus, Hermès et Héra par Pieter Lasman (National Gallery, Londres)
Europe qu'il enlève en se transformant en taureau. Et là, c'est toute une histoire de taureaux. le rejeton de cette union n'est autre que Minos, le papa de Phèdre et le mari de Pasiphaé, laquelle va tomber amoureuse d'un taureau. Elle se fera enfermer dans une vache en bois pour séduire le taureau. C'est chaud, non ? Et le fruit de cette union sera le minotaure... mi-taureau, mi-homme.
Pasiphaé par André Masson
Pour Danaë, sûrement vénale, il se fait pluie d'or. Persée voit le jour peu de temps après.
Danaë, par Stéphane Lallemand
Avec Léda, c'est encore plus étrange : il féconde sa maîtresse sous l'apparence d'un cygne. Celle-ci pond deux oeufs, normal avec un cygne. Ces deux oeufs ont donné Hélène, la belle femme inconstante de Ménélas, qui, enlevée par Pâris (mais consentante) fut à l'origine de la Guerre de Troie, et Pollux, le frangin de Castor. Léda, de son côté, aura avec Tyndare deux autres rejetons : Clytemnestre, la femme d'Agamemnon, et Castor. Les deux premiers sont dieux, puisqu'issus de Zeus, les deux seconds sont mortels.
Léda et le cygne de Cesare da Sesto d'après une oeuvre perdue de Leonardo da Vinci
Une petite passade avec Antiope, le temps de faire Zéthos, roi de Thèbes.
Avec Alcmène, il fabrique Héraclès, dont on connaît surtout les douze travaux. Pour la séduire, c'est encore plus vicieux, il prend l'apparence d'Amphitryon, le propre mari d'Alcmène.
L'accouchement d'Alcmène par Virgil Solis pour les Métamorphoses d'Ovide
Avec Dia, naît Pirithoos, chef des Lapithes, ceux qui combattront les Centaures.
Combat des Lapithes et des Centaures par Rubens
Pour Callisto, nymphe de la suite d'Artémis, vouée à la virginité, il prend l'apparence d'Artémis. Et comme ça arrive parfois quand on fait La Faute, y'a un fruit qui pousse. C'est Arcas. Malheureusement, Artémis découvre l'embonpoint inhabituel de Callisto. Elle entre dans une colère noire et la transforme en ourse. C'était pas une vie. Zeus, pour la délivrer la catastérise en en faisant la constellation de la Grande Ourse.
Diane (Artémis) et Callisto par Titien
Etc.
Dans l'ensemble, malgré la forte consanguinité, la descendance de Zeus n'est pas trop ratée. Ce qui n'est pas la cas pour une partie de la progéniture de Gaïa et Ouranos, ses parents. Leurs six premiers enfants n'étaient pas tout à fait normaux : les trois Hécatonchires avaient chacun cent mains et les trois Cyclopes n'avaient chacun qu'un oeil.... Pour Homère, les Cyclopes sont les enfants de Poséïdon et par d'Ouranos. Qui croire ???
Hécatonchire par Rachael Mayo et Cyclope
Le retour d'Ulysse a casa ou l'Odyssée
Héros encore vivant "à la fin" de la guerre de Troie, dont on apprend qu'elle aurait duré neuf longues années, le Divin rejeton de Laërte et industrieux Ulysse rentre à Ithaque, "la patrie de ses pères", où il est Roi. Sa femme et son fils, qu'il a quitté quand il était un petit enfant, l'attendent dans le désespoir et les pleurs, incertains qu'ils sont de son destin : la "noble" Pénélope, "fille d'Icarios", et leur fils, le "sage" Télémaque. Vingt ans se sont écoulés depuis le départ d'Ulysse à la guerre.
Pénélope à sa tapisserie par John William Waterhouse
Comme L'Iliade, l'Odyssée se compose de vingt-quatre chants. Les grands thèmes de la mythologie grecque y sont racontés : la grotte de Calypso ; le radeau d'Ulysse ; les cyclopes dont le plus anthropophage est Polyphème ; l'île d'Éole et de Circé ; la descente dans la maison de morts d'Hadès et l'apparition des héros morts que nous avions quittés vivants à la fin de l'Iliade, Agamemnon, Achille, etc. On croise les destinées de Tantale, Sisyphe, Heraclès,... ; l'épisode des sirènes et la rencontre avec Scylla et Charybde, etc...
La grotte de Calypso d'après Joos de Momper
Polyphème et Ulyssse d'après Jacob Jordaens - Musée Pouchkine, Moscou
Pendant cette longue errance parsemée d'embûches dangereuses, qui dura plus de dix ans, le "divin" Ulysse sortira seul indemne grâce à l'intervention permanente de la déesse Pallas Athéna ; tous ses compagnons disparaîtront progressivement au décours de leurs rencontres avec des créatures peu sympathiques pour les mortels. Et une belle nuit, Ulysse se retrouvera sur une plage de son pays natal, Ithaque.
Mais pendant toute cette longue période d'absence du héros, la "sage" Pénélope" est convoitée par des prétendants qui font le siège de sa maison, de sa table et de son lit, car pour eux tous, Ulysse est mort et il faut que Pénélope ait un nouveau mari...
Ulysse tue les prétendants par Théodore Van Thulden
La dernière partie de ce poème épique relate le retour à la maison d'Ulysse et la destinée des prétendants. Leur rencontre est explosive comme on peut s'en douter.
Dans le dernier chant, superbe :
Ainsi toutes ces âmes s'en allaient en piaulant
Vers le séjour putride où les menait le bon Hermès.
Ils passèrent le cours de l'Océan, le Rocher Blanc,
La grande Porte du Soleil et le pays des songes,
Et furent bientôt arrivés au Pré de l'Asphodèle,
Où habitent les ombres, ces fantômes des défunts.
Le massacre des prétendants, cratère en céramique, IVe siècle avant J.C - Louvre
Nous savions depuis l'Iliade que les dieux parlaient avec les mortels, déjà une belle prouesse, mais depuis l'Odyssée, nous savons que les ombres, sièges de l'âme, représentantes des chers défunts, parlent aussi aux mortels..., ça nous a rappelé un auteur contemporain qui a repris ce genre et qui sait bien faire parler les ombres, Haruki Murakami, (dans La fin des temps - à lire absolument).
Sinon, parmi les expressions couramment utilisées dans ce texte magique, l'une nous a souvent fait sourire (de toutes nos dents restantes) dans la traduction proposée ici : "Quel mot s'est échappé de l'enclos de tes dents". Et toujours le thème des genoux est bien présent comme : "En embrassant, dans mon malheur, ton eau et tes genoux." (449, chant V), mais de cela nous en avons déjà parlé dans l'article sur l'Iliade.
Homère, l'Odyssée, traduction de Frédéric Mugler chez Babel - 1995- ISBN 978-2-7427-0579-5
L'amphibien au sang froid, Joseph Fouché
Dans son essai biographique sur Joseph Fouché paru en 1929, Stefan Zweig note dans le post-scriptum de sa préface pour l'édition française : "Un portrait psychologique comme celui-ci doit toujours, sans fausser l'ensemble, restreindre les détails pour en faire ressortir les lignes décisives d'une personnalité." Être amphibie, à l'aise dans les eaux troubles, uni dans ses duplicités, ténébreux, d'une infidélité sans faille, opportuniste se ralliant à la dernière minute au parti vainqueur, sans caractère vrai, sans idée politique réelle, comploteur de l'ombre, et passant son temps par un travail acharné à tisser ses filets pour piéger ses adversaires, c'est à dire tous ceux qui l'entourent, Joseph Fouché deviendra le deuxième homme le plus puissant et le plus craint de la Révolution et de l'Empire.
Paul Barras, Lazare Carnot et Maximilien Robespierre
Il aura trahi tout le monde, se sera joué de tous ses "amis" et de tous ses ennemis politiques dont les plus connus sont Robespierre, son ex futur beau-frère, Barras, son mentor et sauveur, Carnot, par une manœuvre "machiavélique", et enfin et surtout Napoléon Bonaparte, son plus cher ennemi.
Charles Maurice de Talleyrand-Périgord
Un seul lui survivra de toute cette période troublée de la Révolution et de l'Empire : Talleyrand, le plus fort de tous, car les régimes passent, mais Talleyrand reste, caméléon boiteux d'immense génie "politique" et diplomatique. Ces trois personnages historiques sont les principaux acteurs de ce bouleversement que connaîtra la France ; de la royauté de l'ancien régime pour retrouver un royauté de restauration, vingt cinq ans après ; du frère aîné, Louis XVI, aux frères cadets, Louis XVIII, puis Charles X ; de cette période sanglante de la Révolution et de l'Empire qui verra mourir plus de trois millions de français et quelques neuf millions d'européens, préludant aux autres drames du siècle qui suivra et qui décimera autant d'européens. Le cynisme de ces hommes, assoiffés de pouvoir, sinon de sang - Napoléon disant à Metternich, ces mots de Tamerlan, tyran sanguinaire du XIVe siècle, "Un homme comme moi se moque de la vie d'un million d'hommes" - et la démesure de leurs ambitions personnelles vont précipiter le pays dans le chaos. De ces trois hommes indissociables et incontournables de ce temps, et à quelques années d'écart, Bonaparte, dit l'usurpateur en 1815, ce soi-disant rédacteur du code civil, ou code Napoléon (il n'avait aucune notion de droit), finira, comble d'ironie, "hors la loi", sur un île au milieu de l'Atlantique sud, à deux mille kilomètres de toutes côtes, Fouché finira quant à lui, totalement isolé et oublié de tous ses contemporains, à Trieste, interdit sur le territoire français, puis interdit des grandes villes européennes..., le Prince de Talleyrand leur survivra de quelques années, fidèle à son image. Lui seul avait une certaine idée de la France et de ses devoirs envers le pays, alors que les deux autres en se servant de la France et des français, n'aspiraient qu'à une seule et une unique passion dévorante pour leur esprit perturbé : le Pouvoir!
Celui qui a cerné le mieux Fouché est incontestablement Napoléon, disant de lui, à Sainte Hélène : "Je n'ai connu qu'un traître véritable, un traître consommé : Fouché."
De Napoléon à Louis XVIII
Après Waterloo, mettant un terme définitif à la tyrannie napoléonienne, la rencontre de Louis XVIII, descendant de Saint Louis, et de l'un des meurtriers de son frère, Fouché, - il a voté la mort de Louis XVI sous la pression de la majorité régicide, alors qu'il y était opposé la veille ! - et en présence de Talleyrand, est un morceau de choix, digne sinon mieux d’un grand scénario de politique fiction. La scène se passe à Neuilly. "Fouché, sept fois parjure, ministre de la république, de la convention et de l'empereur" prête serment, son huitième serment de fidélité. Cette "fidélité" n'a d'égale que la constance de ses trahisons successives, qui le conduira à sa perte "politique", mais seulement et tardivement à cinquante cinq ans. La trahison conserve bien son homme. Cet être amoral se trahira lui-même ce qui est somme toute assez logique. Peu de temps avant sa destitution, son bannissement et son exil, imposé par Louis XVIII, lui, le Duc d'Otrante, alias Joseph Fouché de Nantes, fils de tapissier, et cependant noblesse d'empire, se remariera avec la contesse de Castellane, un peu de sang bleu..., et dont le témoin sera le Roi lui même, quelle ironie du destin !
Vote pour la mort de Louis XVI (Fouché faisait partie de ceux ayant voté la mort).
"Traite consommé, et non occasionnel, nature ayant le génie de la trahison, voilà ce qu'il était, car la trahison est moins son intention, sa tactique, que sa nature fondamentale.", et S. Zweig de conclure sur cette phrase ambiguë "C'est pour cela que l'on essaie de découvrir, d'après des traces légères et fugaces, toute la vie tortueuse et, d'après son destin changeant, l'essence spirituelle de celui qui fut le plus remarquable de tous les hommes politiques." Ce terme "remarquable" renforce encore l'ambivalence de ce propos, entre admiration et répulsion de cet homme insaisissable et mystérieux que fut Mr Joseph Fouché.
Stephan Zweig - Les grandes vies (Fouché, Marie-Antoinette, Marie Stuart, Magellan) - Bibliothèque Grasset - 2009 - ISBN 978 2 246 42521 2
Un message venu d'Eva
Mes cheres amies de Vezelay, ca resemble d'etre deja un an ou plus que j'etais a Vezelay si je mesure le temps en correspondance avec ma nostalgie de revenir. Maintenant, il y aura une petite chance de revoir parce qu' il y aura un 'spectacle', une live, une manifestation (je sais pas lequel est le mot just) avec un pianist et moi dans la maison Rhenanie-Palatinat a Dijon le 13.mars 2013 vers 20:00. J'essayerai de venir a Vezelay avant ou apres pour 1,2 jours. Mais de plus j'aime ici de vous iniviter pour cet' evenement a Dijon, si vous avez envie et le temps. Le programme 'Caprice de l'eau' est assez special et peut-etre interessant, parce que nous melangeons simultanement (!) mot et musique ensemble - un vrai rencontre entre la langue et la musique, une reaction, une accolade, une tacquinerie. Souvant musique de Jazz, mais aussi outre genres. Les texte (principalement des poemes, aussi des textes absurdes et des petites observations de moments) sont certes reciter en Allemand mais en meme temps presenter en Francais comme power-point presentation sur le mur. Je serais contente de vous voir et aussi contente si vous donner cette information au gens qui pourraient ete interessees du spectacle: Caprice de l'eau Tissu de 'poesie et jazz' Maison Rhenanie-Palatinat 29, rue Buffon Dijon 13. 3. 2014 20:oo fff. Tres cordialement Eva Paula Pick (Le clown :) )
Qui a tué Roger Ackroyd ? Premier épisode : le belge et l'italien.
Ceux qui savent qui est Roger Ackroyd n'auront pas de problèmes d'identification de ce personnage de roman policier, les autres chercheront...
Le narrateur est le conteur de sa propre histoire. Mais il omet de tout nous raconter et ne relate que ce qui pourrait l'arranger, agissant comme souffrant d'un scotome perturbant la vision des événements dont il est le principal acteur et fautif ; il adapte la réalité, nous narrant sa réalité. Se plaçant comme spectateur-conteur, il prend ce recul nécessaire de chroniqueur attentif à tous les détails chronologiques et horodatés des événements. Et ce sont pourtant ces détails qui vont permettre de démasquer le coupable ! Ce roman policier est construit comme ceux télévisés du célèbre Columbo. Nous connaissons le coupable avant le détective et tout l'art narratif tient aux façons d'opérer du policier (détective) à obtenir sinon les aveux du moins les preuves accablantes de la culpabilité du meurtrier. Dans le premier épisode de Columbo intitulé "Inculpé de meurtre" de 1968, le psychiatre coupable du meurtre de sa femme, va, dans une magnifique scène "d'analyse" du Lieutenant (dont c'est la première apparition à l'écran), brosser le profil psycho-affectif du Columbo, véritable anti héros hollywoodien par excellence, qui nous passionnera (surtout nous) pendant plus de trente ans de 1968 à 2003 et incarné par ce prodigieux acteur décédé en 2011, Peter Falk.

Dissemblables dans leur aspect extérieur, Poirot et Columbo se ressemblent dans leur façon de procéder. Telles des mouches à miel (ou mieux des mouches à m...) ils traquent leur suspect et l'utilisent le plus souvent pour élucider les petits détails insolites qui par leur présence et leur assemblage permettent la reconstitution de l'ensemble et comme dans une grande toile d'araignée vont progressivement "emprisonner" le coupable.
L'un est italien, marié à une femme invisible et pourtant bien présente, petit et d'allure négligée dans ses habits usés toujours les mêmes pendant trente ans (!), à la limite de la présentation d'un clochard, les cheveux de plus en plus en bataille, le cigare allumé et toujours à la recherche de son crayon. Il énerve mais on ne peut lui en vouloir et attire même la sympathie par pitié et compassion de la part de ceux qu'il rencontre, sa force tient à sa faiblesse constitutive apparente. Il donne l'air d'être inoffensif et peu compétent, cachant par ce masque un être redoutable, car comme Poirot, le héros d'Agatha Christie, il a pour devise : "On ne peut rien me cacher!"

Poirot a un physique contraire, certes petit aussi, mais belge et d'une fatuité sans bornes, il agace par son autoritarisme et ses manières spécieuses. Méticuleux et obsessionnel, c'est aussi un solitaire qui ne lâche jamais la proie qui, progressivement et sans violence, tombera dans sa main, tendue pour le "cueillir". Dans les différentes et nombreuses histoires de ces deux détectives, il n'y a pas de violence (en dehors du crime, naturellement). Le ou la coupable sont des meurtriers "occasionnels" ne rentrant pas dans la catégorie des psychopathes ou des serial-killers. Le coupable est souvent un notable, cultivé, riche presque toujours. Son crime est très bien organisé, il agit souvent de sang froid. Ce crime "parfait" est pourtant criblé de petits détails insolites, non prévus ou imprévisibles, véritables impromptus de la vie quotidienne qui vont lézarder le bel édifice du scénario criminel initialement bien agencé. La mise bout à bout de ces petites choses que l'on peut oublier facilement, aggravée souvent de la fatuité cupide du coupable, et l'éclairage que donneront ces deux limiers, dont l'acuité d'observation et d'analyse est sans égal, permettront la reconstitution exacte de l'événement criminel et la découverte logique du coupable.
Mais finalement, qui a tué Roger Ackroyd ?
(à suivre)
Exposition Luc Gauthier

Il vit pas très loin de Vézelay, il est drôle et nous aimons sa peinture... Vous pouvez en voir plus à cette adresse
Qui a tué Roger Ackroyd - 2ème épisode

Crime d'Amour ou "assassinat par interprétation"?
Dans un petit village anglais, King's Abbot, tout le monde se connaît... Le narrateur est le médecin du village, le Dr James Sheppard qui connaît forcément tout le monde. Célibataire, Il vit "en couple" avec sa sœur, son aînée de neuf ans, Caroline, célibataire elle aussi. Elle sait tout ce qui se passe dans le village, grâce à un réseau "d'informateurs" extrêmement performant (employés de maison, livreurs, etc...).
Mais commençons par la fin du livre ! Comme dans tous romans policiers, les dernières pages permettent d'éclairer le lecteur sur le crime et le coupable. Dans le cas précis, la "chute" nous laisse indécis et perplexes ! Car, s'il s'agit de la bonne solution, cela remet en cause et nous fait douter de toute la narration, de tout le livre ; il faut donc le relire pour essayer de saisir le ou les moments de dissimulation et de déguisement de la vérité... du narrateur, qui est sensé, par préjugé littéraire, nous l'avoir révélée.
Que s'est il réellement passé à King's Abbot?
Deux faits incontestables : la mort par suicide déclaré de Mme Ferrars le matin même du jour où Roger Ackroyd est retrouvé poignardé dans son bureau.
Un mobile très vraisemblable sinon peu contestable : la lettre bleue que Mme Ferrars écrit avant de se suicider et qu'elle envoie à Roger Ackroyd pour lui expliquer son geste désespéré et lui révéler l'identité du maître chanteur qui la harcèle depuis un an. Cette lettre disparaît.
Une arme : un couteau appartenant à Roger Ackroyd.
Un suspect idéal apparaît rapidement dans l'intrigue, le fils adoptif de la victime et seul héritier, il est en fuite..., et toutes les personnes qui sont présentes au moment supposé du crime, sont tour à tour suspectées, car le mensonge plane sur cette maison, ce qui renforce l'impression que la fin nous donne :
mais, est-ce que le narrateur nous a dit toute la vérité ?
Est-ce que Poirot, dans son "délire" d'interprétation, ne commet pas une faute ?
Pourquoi, alors qu'il dit connaître le coupable, Poirot ne le dénonce pas immédiatement à la police ?
Est-ce qu' Agatha Christie ne s'est pas trompée (comme le prétend Pierre Bayard) ! ou a t'elle voulu intentionnellement égarer le lecteur ?
Qui détient la vérité dans cette histoire ?

Voilà et ce n'est pas tout...
La contre-enquête permet de découvrir une autre possibilité toute aussi pertinente que séduisante. Partant du principe que le narrateur "ment" ou plutôt, omet de tout raconter, comme le font les autres personnages, une nouvelle version des faits s'impose, pouvant mener à un nouvel épilogue.
Exégète talentueux, Pierre Bayard, dans un petit livre passionnant "Qui a tué Roger Ackroyd ?", nous livre les éléments de sa contre-enquête. Aussi passionnant qu'un roman policier, il nous donne sa version de l'histoire tout aussi (in)vraisemblable que celle d'Agatha Christie : "la particularité du mensonge par omission tient dans ce livre à sa fonction. Les mensonges par omission que l'on rencontre dans la narration policière traditionnelle obéissent â la nécessité de maintenir le mystère le plus longtemps possible et de créer un effet de surprise. Ceux du Dr Sheppard obéissent à la nécessité de le protéger." Reprenant le paradoxe d'Epiménide, le crétois, qui dit "tous les crétois sont des menteurs", "si je dis que je suis un menteur, mon enoncé s'annule et je dis la vérité. Mais le disant, je suis donc un menteur et mon énoncé s'annule." Insoluble paradoxe, tout comme le fin mot de cette histoire !
Finalement je constate que, moi aussi, j'ai omis de vous dire quelques autres details, voir l'essentiel ! Mais vous chercherez à percer l'énigme : que s'est il réellement passé à King's Abbot?
Remerciements : merci encore à Clara de nous avoir remis dans les mains ce roman d'Agatha Christie (cadeau de Noël) que nous avons relu avec toujours autant de plaisir et d'excitation!
Le meurtre de Roger Ackroyd - Agatha Christie - Traduction de Françoise Jamoul - Éditions du Masque, coll. "La Bibliothèque idéale d'Agatha Christie vue par Martin Parr n° 7 - 2013 - ISBN 978-2-7024-4005-6
Qui a tué Roger Ackroyd ? Pierre Bayard - Les Éditions de Minuit, coll. "Paradoxe", 1998 - ISBN 2-7073-1653-9
Anna Deume & Ariane Karénine, deux héroïnes clouées au pilori

En épigraphe, extraits de MANGECLOUS d'Albert Cohen.
"(Salomon) ... En tout cas, moi, j'ai lu un livre Karénine. Oh comme je l'ai trouvé beau ! Ces deux si nobles, si poétiques qui s'aiment et tant pis pour le mari ! ...
(Mangeclous) ... Haha, un amant c'est plus poétique, vient de dire l'extrémité du vermicelle des vermisseaux ! Ah, messieurs, que vienne un romancier qui explique enfin aux candidates à l'adultère et aux fugues passionnelles qu'un amant ça se purge ! Ah, qu'il vienne, le romancier qui montrera le prince Wronsky et sa maîtresse adultère Anna Karénine échangeant des serments passionnés, et parlant haut pour couvrir leurs borborygmes et espérant chacun que l'autre croira être seul à borborygmer. Qu'il vienne, le romancier qui montrera l'amante changeant de position ou se comprimant subrepticement l'estomac pour supprimer les borborygmes tout en souriant d'un air égaré et ravi ! ... Qu'il vienne, le romancier qui nous montrera l'amant, prince Wronsky et poète, ayant une colique et tâchant de tenir le coup, pâle et moite, tandis que l'Anna lui dit sa passion éternelle. Et lui, il lève le pied pour se retenir. Et comme elle s'étonne, il lui explique qu'il fait un peu de gymnastique norvégienne ! Et puis il n'en peut plus et il prie sa bien-aimée de le laisser seul pour un instant car il doit créer de la poésie à vers ! Et, resté seul dans le cabinet de travail parfumé, il est traqué ! Il n'ose aller dans le réduit accoutumé, car la mignonne Anna est dans l'antichambre ! Alors, le prince Wronsky s'enferme à clef et prend un chapeau melon et s'accroupit à la manière de Rébecca, ma femme qui, elle, ne prétend pas être une créture d'art et de beauté ! Et soudain, voici qu'arrive le mari de l'adultère, monsieur Karénine, qui a défoncé la porte de la rue ! Et alors la passionnée Anna lui dit qu'elle ne veut plus de lui, que le prince Wronsky et elle sont dans un ouragan et que lui, Karénine, est un mari dégoûtant et peu poétique ! "Le prince Wronsky, crie-t-elle, m'a ouvert les portes du royaume ! Ô chien de mari, ô jaune, ô fils de la pantoufle et du cataplasme, sais-tu ce que fait en ce moment mon trésor, mon aigle de passion ? Il crée des vers !" Et le prince Wronsky qui a mangé trop de melon et bu trop d'eau glacée est accroupi sur son chapeau melon ou plutôt sur son képi d'aide de camp et il s'y soulage et murmure le nom de sa maman avec infinie faiblesse et délectation ! Accroupi devant le piano, il frappe sur les touches et il joue un noctambule de Chopin pour couvrir d'autres bruits ! Voilà un roman selon mon coeur ! Et le mari, le pauvre mari Karénine, s'en va. Et Anna frappe et demande : "Cher prince Wronsky, avez-vous fini de créer ?" Et le prince répond : "Tout de suite, ma noble colombe, les vers ne sont pas encore finis." Et cinq minutes après, il lui dit d'entrer dans la chambre dont la fenêtre est grande ouverte. Et il n'y a plus de képi par terre, car il l'a enfermé dans la bibliothèque, ce charmant amant ! Et sur le tapis il a répandu des parfums ! Et il lui dit : "Ah, que c'est bon de créer de l'art ! - Oui, cher prince, répond l'adultère avec respect, ce doit être merveilleux ! - Oui, s'écrie le prince poète, il y a des moments où il faut que ça sorte !" Et l'idiote baise sa main si respectueusement. Enfin elle a trouvé un non-mari ! Un éternellement poétique !
Voilà, voilà le roman qu'il faut écrire pour les femmes et pour mes maudites filles qui sont tout le temps à regarder les officiers grecs !..."
Extraits de Mangeclous, passage déjà cité dans un précédent article

À presqu'un siècle de distance, deux femmes mariées vont devoir affronter le même destin tragique sous la plume trempée dans l'encre, quelque peu teintée de misogynie, de leur créateur. Si tous les adultérins mâles avaient subi le même sort, bien peu en auraient réchappé. N'ouvrant pas la voie à la rédemption, les peines expiatoires sont sans appel, telle une véritable lapidation littéraire autant que sociale...
Anna Karenine est jeune et belle, mais bien vivante elle "s'ennuie" avec un mari sombre et plus agé. Il ne pense qu'à son ambition politique, non pas par esprit altruiste, mais par pur arrivisme. Leur enfant Serge est le rayon de soleil de cette femme délaissée dans cette vie petits-bourgeois de la fin du XIXe siècle dans la Russie tsariste.
Ariane Deume, dans Belle du Seigneur, vit au bord du lac Léman, n'a pas d'enfant et s'ennuie chez elle entre son mari, Didi, fonctionnaire à la SDN, et ses beaux-parents, qui vivent sous le même toit. Adrien, alias Didi, n'a pas d'envergure, mais est bien gentil avec sa femme. En bref, il n'est pas méchant et ne pense, lui aussi, qu'à son avancement dans la hiérarchie diplomatique ou du moins bureaucratique.
Ces deux femmes rêvent, inconsciemment, du grand amour et du prince charmant. Elles le rencontrent ; Anna est séduite par Alexis Vronski et Ariane par le beau Solal de Solal. Ils sont jeunes, voire plus jeune pour Anna, beaux naturellement, riches cela va de soi, quelque peu fats et coureurs de jupons fatalement, insouciants de toutes façons. Comment ne pas succomber ? Et comme le plus sûr moyen de vaincre la tentation, c'est d'y succomber, elles plongent corps et âme !
L'utilisation du soliloque est commun et largement utilisé dans les deux oeuvres, véritables romans "rose-gris" : il s'agit d'une véritable vampirisation de l'affect des deux héroines par le mâle-créateur. Que ce soit Léon Tolstoï ou Albert Cohen, leur rapport avec La Femme n'a jamais été simple, en particulier avec leur mère, que ce soit par défaut ou par excès, le premier l'a perdue à l’age de deux ans, le second a eu un rapport avec la sienne des plus explosifs ; lire son "livre de ma mère". Et ceci, sans parler de leur comportement avec leurs épouses... Sans être totalement misogynes, la place qu'ils concèdent à "leur" femme réelle ou fictive est contrastée, sinon emprunte de l'image du péché originel, de la faute ou de la tentation qu'elle exerce sur le mâle, sinon du Diable en personne. L'esprit de ces deux grands auteurs tente de se substituer aux profils psycho-affectifs de leurs "héroïnes" pour essayer de trouver des circonstances atténuantes, des justifications, des hésitations ou des questionnements à leurs penchants "coupables", alors que l'acte d'accusation est déjà écrit et que la sentence est prononcée.
La "garniture" littéraire de ces deux romans est cependant différente : dans Anna Karenine, les divagations "métaphysico-religieuses" et mystiques de Levine-Tolstoï encombrent le texte et l'alourdissent inutilement, tout comme ses théories stratégiques dans "La Guerre et la Paix" ; dans Belle du Seigneur d'Albert Cohen, au contraire et de façon jubilatoire, l'intervention des Valeureux, cousins et amis de Solal, et l'irrestible satire, d'un humour décapant, des petits bourgeois Deume, apportent un peu d'air frais dans le drame à venir... Il est à noter que, vraisemblablement Cohen a lu Tolstoï, car non seulement il s'en inspire très largement dans une écriture plus libre (de censure morale et religieuse, en particulier), mais il ponctue cette inspiration par une tirade qu'il met dans la bouche de Mangeclous, dans le livre éponyme (Mangeclous) qui est un monument littéraire sur la dérision et la mise en abime des rapports amoureux, dans l'adultère en particulier (voir en tête d'article) ; dans ce monologue de Mangeclous, il fait appel aux deux héros parfaitement identifiés de Tolstoï, Anna Karenine et Alexis Vronski..., mensonges, tromperies, faux semblants et petits drames physiologiques de la vie quotidienne, etc. ; à mourir de rire !
La fin des deux romans est totalement superposable dans leur issue et dans la rapidité de sa survenue. Ce contraste est saisissant, et même troublant, deux ou trois pages suffisent à l'auteur pour purger une histoire de huit cents pages denses, chaotiques, incertaines dans les allant et venant de la passion humaine, qui, dans ce cas, ronge et détruit l'Âme. Mais quelles pages inoubliables ! *
Moralité, le bonheur ne peut pas se révéler dans le mensonge, et peut-être pas non plus dans l'amour terrestre, tremplin utilisé par Tolstoï pour son "élévation" dans les sphères nébuleuses (sinon fumeuses) de la métaphysique ou de l'Extase...
Deux héroïnes "martyres", une histoire, deux livres incontournables.
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* "La dernière partie d'AK a produit ici une impression particulièrement forte, une véritable explosion. Dostoïevski agite les bras et dit que vous êtes un dieu de l'art" (lettre de Starkhof à Tolstoï, 18 mai 1877)
Extraits :
“...Mais un temps est venu où j’ai compris que je ne pouvais plus me faire d’illusions, que j’étais un être de chair et d’os. Est-ce ma faute si Dieu m’a faite ainsi, si j’ai besoin d’aimer et de vivre ?... Et maintenant ? s’il me tuait, s’il tuait l’autre, je pourrais comprendre, pardonner ; mais non, il... Comment n’ai-je pas deviné de qu’il ferait ? Une nature basse comme la sienne ne pouvait agir autrement. Il devait défendre ses droits, et moi, malheureuse, me perdre plus encore...” p. 327 Anna Karénine, La Pléiade, édition 1951.
" Elles m'ont regardée comme un être bizarre, effrayant, incompréhensible!... Que peuvent se dire ces gens-là ? Ont ils la prétention de se communiquer ce qu'ils éprouvent ? p. 801 Anna Karenine, La Pléiade, édition 1951.
" Six heures j'ai tout le temps vôtre vôtre ô mon amour pourquoi ne pas être ici avec moi dans ce bain chaud délicieux on serait si bien tous les deux tant pis si pas assez de place pour les deux on s'arrangerait tout de même on trouverait le moyen un moyen ancien depuis Adam oui je sais je l'ai déjà dit ce truc de venir me rejoindre dans le bain ça m'arrive tout le temps de me répéter Ève la première idiote qui disait personne ne comprend mon Adam ....." Ariane dans son bain : texte sans aucune ponctuation, tel que dans l'esprit il n'y a ni orthographe ni grammaire. p. 523, Belle du Seigneur. Éd. Gallimard, collection blanche.
Un obus déterré à Houat !!
The road trip, L.A., trois jours à Venise (sic)
Day 1, Cinq heures du mat’, like in the song, je suis debout, décalage oblige, il est quinze heures a casa. Devant moi, du deuxième étage, la nuit étend encore son linceul noir sur la ville. Tout est calme, alors que la nuit fut animée, un bar en face de l’hôtel diffusant de la musique un peu fort. Mais bon, une nuit en deux temps, une température idéale, il me manque du café, le plus proche Starbucks est à 0,7mi. Attendons encore un peu, il n'en sera que meilleur. D’abord, le vol, direct, CDG-LA, sans souci, j’ai vu cinq films, levé et mangé deux fois, pas lu une ligne, pas vu passer le temps, c’est grave, car c’est de plus en plus fréquent. Puis l’arrivée, deux heures pour sortir de l’aéroport, la première cigarette : la douane, puis de nouveau la douane, çà devient intolérable à force d’être ridicule, dans les files d’attente, un clip sur les chiens chercheurs de produits alimentaires, cela devient insupportable. La navette pour prendre la voiture de location, un petit vent frais du large nous saisit immédiatement, le ciel est bleu parsemé de nuages fins et très hauts, au dessus des palmiers. Nous sommes fatigués, mais heureux, la voiture nous accueille; les vitres grandes ouvertes plutôt que la clim, et c’est parti, première destination, VENICE, petit clin d’oeil à notre très chère cité des doges. En moins de vingt minutes, nous atteignons notre premier lit. La rue où est garée la voiture est Rialto street, c’est bon d’être fétichiste.
Samedi, après le Starbucks, nous avons poussé jusqu'au Pier pour voir les surfers à l'oeuvre avant le lever du soleil. Au fond les pêcheurs. Magique. Un peu de culture avec visite du LACMA (Los Angeles Contemporary Museum Art) où nous avons déjeuné. C'est là que se trouve la magnifique Marie-Madeleine de De la Tour. "Dîner" à l'hôtel (gratuit) d'un bol de chili tellement épicé qu'il m'a fait des trous dans l'estomac...
Au LACMA. Dans l'ordre, deux magnifiques Picasso, un Matisse, notre Marie-Madeleine, un Canaletto, un David Hockney
Dimanche, nous sommes à Venise, après le Starbuck, nous allons explorer les canaux. Créée au début du XXe siècle par un des barons du tabac, Venise comptait au début une vingtaine de canaux, quelques ponts et des gondoles avaient même été importées. Il n'en reste que six canaux, et une gondole, à sec, plantée sur un rond-point. De jolies maisons, dont nombre ont été restaurées par des architectes contemporains. Nous rejoignons Scott et Nadia pour un brunch au O Hotel, branché, in downtown. Visite du marché, fatigue, beaucoup de voiture. C'est dimanche et les places sont chères et nous tournons un certain temps avant de pouvoir nous poser. Une petite visite à la librairie sur la promenade en bord de mer. Bel endroit, mais très peu fréquenté par ces "sportifs" de Venice. Dernière nuit à l'Hostel.
The road trip - c'est parti pour l'aventure

Lundi, J1
Ça y est. Nous avons pris possession du home sweet home. Et nous sommes prêts pour la grande aventure. Première étape prévue : Joshua Tree... Peut-être. Raphaël, the guy qui nous donne le van ou VR, nous a donné la douche, les draps, les cartes. Il faut encore remplir le frigo, ce qui sera facile vu la taille !
Passons sur l'itinéraire de l'interstate 10 jusqu'à Palm spring. En plein désert, des centaines d'éoliennes organisées en champs. Ça tourne dans certains. C'est immobile dans d'autres. Grosse chaleur, vent de traverse puis c'est la ville. Bof. Court arrêt à Desert Center, désert malheureusement. Bagdad café fermé pour cause de rénovation. Quelques miles plus loin sur la 177, mister Mc Goos nous accueille pour la nuit. Les achats faits chez Wons nous permettent de faire un apéro yam puis un repas "sain" : poulet rôti et petits légumes. Le lit est bon. Nuit normale.
sur la route de Palm Spring, Desert Center, Mister Good, et Vidal Junction (la pompe salvatrice)
Mardi, J2
Lever du soleil sur le désert montagneux. Magique. Toilette sommaire dans la nature au milieu des buissons et des palmiers. Et la route à 7:30. Quittons la 177 pour la 62. Pas de changement sinon une petite angoisse : plus de gazoline dans le réservoir. Il reste de quoi faire 40 miles et à 18 miles le point "Rice" sur la carte n'existe pas. Le suivant est annoncé à 18 miles. Vidal Junction. Ouf, nous y sommes et miracle, c'è una stazione per fare la bezina. A Parker, changement d'état, Arizona, et de route, la 72. Traversée d'un village au nom charmant : Bouse (avons repéré une enseigne "Bouse beauty"). A Hope, un seul bâtiment, une église ! Où trouve t-elle ses paroissiens ? On passe de la 72 à la 60. Premiers cactus dignes de ce nom. Aquila.
On prend la 71 direction Prescott. Puis la 89. Le paysage change souvent. Tantôt végétation presque verte, petits arbres, quelques fleurs jaunes en bordure de route, tantôt étendues sableuses blanches, le tout sur fond montagneux. Après Prescott, nous avons loupé la 89A qui devait nous mener à Flagstaff et avons continué sur la 89 Vers Williams. J'avais un excellent souvenir de ce village à deux rues parallèles que j'avais vu figé à l'époque cowboy. Les touristes et leurs magasins de souvenirs ont remplacé l'authenticité par le carton pâte. Avons tout de même dégusté un strawberry-milkshake géant à une adresse préconisée par le Routard.
Il est 17 heures et nous sommes sur la route qui mène au Grand Canyon...
Croisons souvent l'indication kaibab forest. Pour le moment nous ne savons pas ce que signifie kaibab... Pas de wifi depuis un jour et demi. Il nous faudra donc attendre un retour à la civilisation pour en savoir plus. Sur la 64 le dernier arrêt avant d'entrer dans le parc du Grand Canyon se fait à Tusayan. La question est : où passer la nuit ? Le parking/camping est fortement réglementé et le seul camping sauvage autorisé dans la forêt de kaibab est soumis à l'autorisation des Rangers. Or ceux-ci sont en vacances ou ils dorment. Nous nous aventurons toutefois dans un chemin de traverse au bord d'un chemin non goudronné, au milieu de la forêt. Rapide dîner, petit yam et dodo. Nous avons vu passer plusieurs voitures et particulièrement une rouge qui a fait 3 passages. Au bout d'une demi-heure, René a commencé à s'inquiéter. Il a donc renfilé son pantalon et nous sommes repartis vers le village en espérant trouver le camping (sorte de parking de super marché) ouvert. Ouvert il était mais personne pour contrôler l'entrée. René s'est garé et nous avons entamé notre nuit. Le froid nous a réveillés vers minuit. Avons enfilé des pulls, des chaussettes et improvisé des bonnets de nuit. Pas chaud tout de même.